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Aux sources de l’étiquette à la cour de France (XVIe-XVIIIe siècles)


Antoine Pezey, Louis XIV reçoit le serment de Dangeau, le 18 décembre 1695 (détail), XVIIe siècle. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 164. © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot

 

Les transcriptions de sources que nous présentons dans cette section regroupent plusieurs recueils de textes liés à l’étiquette à la cour de France. Elles ont été réalisées dans le cadre de l’axe de recherche « L’étiquette à la cour : textes normatifs et usages », mené par le Centre de recherche du château de Versailles (2014-2016).

Ce programme triennal, sous la direction scientifique de Mathieu da Vinha et de Raphaël Masson, a pour but de formaliser les usages non écrits de la cour de France afin de saisir l’évolution de l’étiquette à l’époque moderne entre développement, perfectionnement et/ou appauvrissement.

Pour mettre en lumière cette évolution, de nombreux dépouillements, centrés sur les mémorialistes des règnes de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, ont été réalisés. Ce travail a permis la création d’une base de données, en cours de développement. Conjointement à l’analyse des écrits des contemporains, nous avons également réalisé une transcription systématique des grands textes normatifs règlementant l’organisation de l’étiquette.

Ce travail a été effectué par Alice Camus, attachée de recherche au Centre de recherche du château de Versailles.

Introduction

À partir du XIVe siècle, l’image du courtisan s’esquisse peu à peu. Le terme même de « courtisan » apparaît sous le règne de Louis XI. Le développement d’une société aulique est propice à la naissance d’une culture codifiée et d’un rituel de cour. Dès la fin du Moyen Âge, on trouve les premiers textes décrivant le cérémonial à la cour. Ce ne sont pas encore des textes émanant du pouvoir royal, mais ils illustrent l’importance accordée à ces nouveaux codes. Ainsi au début du XVe siècle, Christine de Pisan rédige un Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V, dans lequel elle relève les usages de la cour. Il faut attendre la fin du XVIe siècle et le règne de Henri III pour qu’apparaissent les premiers règlements généraux et ordonnances définissant la vie curiale dans sa globalité. Ce rituel prenant une importance croissante dans cette microsociété, un terme lui est bientôt consacré : l’étiquette. On en trouve de rares mentions chez les contemporains de Louis XIV, comme Madame Palatine, critiquant « cette insipide étiquette » (Madame Palatine, Lettres de la princesse Palatine. 1672-1722, Paris, Mercure de France, 1985, p. 52, lettre du 3 février 1679), et c’est au XVIIIe siècle que ce terme sera définitivement consacré dans la langue française. Il fait son entrée dans le Dictionnaire de l’Académie française seulement en 1718.

Le règne de Henri III représente un temps fondateur dans la mise en place et le développement de l’étiquette à la cour de France. Le cérémonial qui s’élabore progressivement à la cour des Valois est dicté par l’influence de la cour des ducs de Bourgogne. On y retrouve également des inspirations espagnoles, autrichiennes et bien sûr italiennes. Catherine de Médicis a conscience du formidable instrument politique que représente l’étiquette dans la restauration de l’image du pouvoir royal et conseille à ses fils de mettre en place un cérémonial minutieux. Henri III partage l’opinion de sa mère et dès son retour de Pologne et son accession au trône de France en 1574, il se lance dans une politique de structuration de sa cour. Il est le premier roi à réglementer la vie curiale dans son ensemble par des textes officiels codifiant les heures réglées du roi et définissant les normes à suivre. Il édite ainsi une série de règlements et d’ordonnances visant à « normer » avec une grande précision son emploi du temps quotidien. L’objectif politique qui est recherché est de créer une distance « sacralisante » entre le roi et sa cour. En réglant ainsi l’accès au roi, celui-ci devient inaccessible, appartenant à une sphère isolée, au-dessus des courtisans. Parmi ces nouvelles mesures, la mise en place de barrières autour de sa table lors de ses repas fait scandale à la cour, certains courtisans se sentant méprisés et n’acceptant pas cette distance que le souverain cherche à installer.

Un premier règlement général, provisoire, est édité en 1578. Il trouve sa forme aboutie quelques années plus tard en 1585. Ce règlement général, daté du 1er janvier 1585, que le roi a rédigé en partie de sa propre main, produit une véritable révolution des usages de la cour de France. Le souverain le fait imprimer et distribuer à ses courtisans afin de s’assurer de la bonne diffusion de ces règles. La structure de l’appartement royal est fixée à cinq pièces (salle du roi, antichambre, chambre d’état, chambre d’audience et chambre royale), permettant ainsi de matérialiser le rang de chacun, en créant un « parcours initiatique » entre le roi et les courtisans (Monique Chatenet, « Henri III et “l’ordre de la cour”. Évolution de l’étiquette à travers les règlements généraux de 1578 et 1585 », dans Robert Sauzet (dir.), Henri III et son temps : actes du colloque international du Centre de la Renaissance de Tours, Paris, Vrin, 1992, p. 133-139). Selon Jacques-Auguste de Thou, le monarque aurait fait ce choix après une conversation avec l’épouse de l’ambassadeur d’Elisabeth Ire d’Angleterre, le comte de Stafford, qui lui aurait décrit en détail l’appartement de la reine et les formalités pour accéder à sa personne (Nicolas Le Roux, Le roi, la cour, l’État. De la Renaissance à l’absolutisme, Seyssel, Champ Vallon, 2013) : « Ce cérémonial fut fort de son goût, & il résolut de le faire observer désormais à son égard. […] Il fixe des heures pour certains devoirs & certains services : règle les appartemens pour certaines personnes ; & leur défend de passer plus loin. » (Jacques-Auguste De Thou, Histoire universelle depuis 1543 jusqu’en 1607, Londres, 1734, t. IX, p. 202-203) La cour d’Angleterre est alors considérée comme un modèle pour l’organisation des cérémonies.

La Maison du roi, dirigée par le grand maître de France, se structure au cours de cette période. Dès la fin du XVe siècle, sous le règne de Charles VIII, le nombre d’officiers en charge dans les différentes maisons royales augmente brutalement. En 1465, on compte quatre-vingt-dix officiers. Un siècle plus tard, en 1574, on en dénombre mille soixante-quatre (Monique Chatenet, La cour de France au XVIe siècle : vie sociale et architecture, Paris, Picard, 2002). Cependant, dès la fin du xvie siècle, apparaissent des ordonnances visant à réduire leur nombre. Mais celles-ci se renouvelant régulièrement, on peut s’interroger sur leur efficacité.

Parallèlement à sa volonté de codifier les usages de sa cour, Henri III crée de nouvelles charges d’officiers dont le rôle est de veiller à l’application de ce cérémonial. Au sommet de celles-ci se trouve le grand maître des cérémonies, charge confiée à Guillaume Pot de Rhodes lors de sa création, en 1585. Celui-ci a pour mission de superviser l’ensemble des cérémonies publiques, de régler d’éventuels litiges et de tenir à jour des recueils de cérémonies pouvant être utilisés ultérieurement. Ainsi, grands maîtres des cérémonies, maîtres des cérémonies et introducteurs des ambassadeurs rédigent mémoires et compilations décrivant le cérémonial à appliquer selon les types d’événements.

Sous les règnes de Henri IV et Louis XIII, le cérémonial de la cour semble connaître un certain relâchement. La preuve en est que peu de règlements majeurs sur l’étiquette ont été publiés. Les textes normatifs sont toujours officiellement appliqués, mais dans les faits, l’étiquette connaît de nombreuses entorses. Henri IV sait toutefois user lorsqu’il le faut de l’étiquette. Toutefois, c’est avec le règne de Louis XIV, et grâce à la sédentarisation de la cour, que l’étiquette est réactivée. Le « Grand Roi » l’affine peu à peu, la précise, jusqu’à en faire une mécanique parfaitement bien huilée. Louis XIV a su magnifier l’importance de l’étiquette à sa cour, mais il n’en est pas pour autant l’esclave. Il conserve la liberté de créer l’étiquette et de l’appliquer à sa convenance. De plus, en cas de conflits de rangs et préséances, c’est le souverain qui tranche en dernier ressort.
Louis XV poursuit cette appropriation de l’étiquette et son utilisation à des fins politiques (Bernard Hours, Louis XV et sa cour : le roi, l’étiquette et le courtisan : essai historique, Paris, Presses universitaires de France, 2002). Si au cours du XVIIIe siècle l’étiquette semble s’assouplir sur certains points, elle trouve cependant d’autres formes d’expression, comme la création des soupers dans les cabinets du roi. L’étiquette continue de marquer cette mise à distance entre le roi et ses courtisans qui est au principe même de son existence.

Le corpus que nous présentons reprend ces textes normatifs édités par le pouvoir royal afin de fixer ce rituel de cour. Il s’étend de 1551 à 1735, recouvrant ainsi les règnes de Henri II à Louis XV. Le premier ensemble est un recueil de règlements et ordonnances. Composé de trente-six textes, datés de 1551 à 1625, il régit le quotidien de la vie du monarque et de sa cour. Le deuxième, intitulé Code des officiers du roi, rassemble les textes organisant la Maison du roi. Il recouvre la période de 1585 à 1735. Enfin, Nicolas de Sainctot, qui fut maître des cérémonies puis introducteur des ambassadeurs à la cour de Louis XIV, a rédigé des mémoires traitant du cérémonial à la cour. Leur édition in extenso permet de donner accès à cette source, d’une grande valeur historique, primordiale à l’étude de la cour.

Bibliographie

Les travaux menés dans le cadre de cet axe de recherche ont permis l’élaboration de la bibliographie suivante.

 

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Bibliographie non-exhaustive.

 

Normes de transcription

Les transcriptions ont été réalisées suivant les normes établies par Bernard Barbiche et Monique Chatenet (Bernard Barbiche et Monique Chatenet (dir.), L’édition des textes anciens, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Inventaire général, 1990.) Par conséquent, la graphie a été rigoureusement respectée. Seules l’accentuation, les majuscules et la ponctuation ont été modernisées.

Archives nationales, KK 544.

Archives nationales, KK 547-548.

Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits, Français 14117-14120.

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